65e Course de Côte de l'M de Bomerée : La côte sans filtre

Bomerée, je connaissais déjà. Spectateur, curieux, planqué derrière les barrières à attendre qu’une auto rugisse et s’arrache dans la montée. Mais cette année, tout était différent, j’étais là comme photographe officiel de l’événement.

 

Première fois à devoir capter une course de côte non plus pour moi, mais pour ceux qui la font vivre.

Une belle opportunité, une chouette expérience !

 

Là où le spectateur profite, le photographe doit anticiper. Là où l’œil se régale, l’objectif doit délivrer. Et la pression est réelle ici, chaque passage est unique. Une voiture = une photo, pas de deuxième tour. Tu rates ton déclenchement ? Tant pis, ça repart au paddock et toi tu restes avec une case vide et une petite frustration.

Un paddock à ciel ouvert.

 

Photographe officiel ou pas, impossible de ne pas sourire en traversant le paddock. Parce qu’ici, pas de barrières. Le paddock, c’est littéralement la rue du village, le parking du magasin du coin. Une remorque garé de travers, une Clio RS prête à rugir à côté d’une monoplace anorexique et des pilotes qui discutent avec les passants en ajustant les derniers réglages.

C’est ça que j’adore, l’ambiance unique. Les pilotes qui bricolent eux-mêmes, aidés de deux ou trois copains qui connaissent la voiture par cœur.

Plus loin, une petite bombinette qui démarre dans un nuage digne d'un barbecue du 15 août.

Autour, le public déambule entre les stands improvisés comme dans une brocante mécanique où tout sent l’essence et la gomme chaude.

Bref, c’est familial, sincère, mais ça respire la compétition !

Le tracé : court mais sans pitié.

 

Vu d’un spectateur, la route de Bomerée a l’air sympa. Un petit ruban d’asphalte qui grimpe dans les bois, quelques virages rien de plus.

Mais quand tu le vois avalé par une voiture lancée à fond, tu comprends vite que le tracé a du mordant. Ombres et lumières s’enchaînent comme un stroboscope naturel.

Un virage, une cassure, une accélération. La voiture surgit, crache son moteur et disparaît aussi vite qu’elle est apparue.

Et toi photographe, t’as trois secondes pour tout figer. Pas plus.

Photographier l’instant qui ne repasse pas.

 

Là, c’est la grande différence avec mes habitudes. Sur circuit j’ai des dizaines de tours pour peaufiner un angle, attendre la lumière parfaite. Ici, tu rates, tu pleures.
La forêt devient ton pire ennemi et ton meilleur allié. Un coup, tout est plongé dans l’ombre verte. L’instant d’après, c’est une explosion de lumière. Et tu jongles, tu ajustes, tu t’accroupis, tu te relèves, tu testes.

 

Sur ce genre d’épreuve, tous les virages ne sont pas accessibles. Ça fait partie du jeu, en deux ou trois spots, il faut réussir à diversifier le contenu. Composer avec les forces en présence, les autos, la vitesse, le soleil, les ombres, les lumières, le paysage.

De mon côté, j’aborde ça autrement, je ne cherche pas à figer chaque voiture au même endroit, comme dans un catalogue. Ce n’est pas mon axe. Mon but, c’est de raconter une ambiance, de varier les angles, de jouer avec la lumière et les contextes.

 

D’autres photographes privilégient une couverture exhaustive, en veillant à ce que chaque voiture ait sa place dans leurs images. C’est une démarche précieuse, complémentaire à la mienne. Là où ils garantissent une mémoire complète de l’événement, je cherche à en raconter l’ambiance et les instants forts. Deux approches différentes, mais parfaitement compatibles.

 

À un moment, je me suis dit "Photographier une course de côte, c’est comme chasser l’éclair. Ça ne dure qu’une fraction de seconde et si tu n’es pas prêt, il a déjà disparu."

Des moments qui restent.

 

Il y a eu des voitures marquantes, une rare mais superbe Clio V6, une monoplace fine comme un cure-dent qui avale la route avec brutalité. Une BMW cabossée, en drift, mais vivante et applaudie comme une rockstar. Des Porsches qui crachent leurs tripes en deux virages.


Mais ce qui reste le plus, ce sont les gens. Les bénévoles qui te sourient même après des heures debout, le public qui tape des mains quand une auto survit à un passage limite, le vieux monsieur qui me dit “ça fait quarante ans que je viens ici et c’est toujours aussi fou”...

Une première qui change tout.

 

Bomerée, je l’avais déjà vue. Mais jamais comme ça. Être photographe officiel, c’est devoir entrer dans l’intimité de l’événement, capter l’histoire en train de se faire, avec la responsabilité de la transmettre.

Et ça change le regard, plus question de venir “voir passer les voitures”. Désormais, chaque passage est une opportunité, chaque visage une photo, chaque montée une histoire.

Première fois officiel à Bomerée. Première fois à raconter une côte de l’intérieur. Et clairement, pas la dernière.

 

Un grand merci au Bomerée Motor Club pour leur confiance et leur accueil ainsi qu'aux pilotes, bénévoles et spectateurs !